Comment gérer efficacement les déjections animales dans son élevage ?

La gestion des déjections animales est au cœur des préoccupations des éleveurs français. Le traitement et la valorisation des effluents d'élevage nécessitent une bonne connaissance des différents types de déjections, de leur stockage et de leur épandage, tout en respectant la réglementation en vigueur.
Bon à savoirLes déjections ovines et bovines présentent des taux de matière sèche très différents : 25-30% pour le fumier bovin contre 35-40% pour le fumier ovin, ce qui détermine leur mode de stockage et d'épandage.

Les différents types de déjections animales

Les différents types de déjections animales
Les déjections animales en élevage se présentent sous différentes formes physiques qui déterminent leurs conditions de stockage et d'utilisation agronomique. La gestion raisonnée de ces effluents nécessite de bien connaître leurs caractéristiques.

Les trois types principaux de déjections

Dans les élevages, on distingue trois catégories de déjections selon leur consistance :
  • Le lisier : déjection liquide composée du mélange de bouses et d'urines, avec une teneur en matière sèche inférieure à 15%
  • Le fumier compact : déjection solide issue du mélange des bouses et urines avec de la litière (paille), présentant une teneur en matière sèche supérieure à 25%
  • Le fumier mou ou lisier pailleux : produit intermédiaire entre lisier et fumier, avec une teneur en matière sèche comprise entre 15 et 25%

Caractéristiques selon les espèces animales

Les déjections varient selon l'espèce animale qui les produit :
Type d'animal Matière sèche (%) Azote total (kg/t) Phosphore (kg/t)
Bovins lait (lisier) 8-10 4,5 2,1
Bovins viande (fumier) 25-30 5,8 2,3
Ovins (fumier) 35-40 6,7 3,5

Classification des effluents

Les effluents d'élevage se répartissent en deux grandes catégories selon leur consistance :

Effluents liquides

  • Lisiers bruts non pailleux
  • Purins d'égouttage
  • Eaux brunes de lavage

Effluents solides

  • Fumiers compacts pailleux
  • Fumiers de volailles
  • Fientes séchées

Stockage et installations adaptées

Stockage et installations adaptées
Le stockage des effluents d'élevage nécessite des installations adaptées aux différents types de déjections, conformément à la réglementation française. Les capacités de stockage doivent permettre de faire face aux périodes d'interdiction d'épandage tout en préservant la qualité de l'eau.

Capacités minimales réglementaires

Les capacités de stockage minimales varient selon les espèces animales et les zones climatiques. Pour les bovins en zone A (ouest), le stockage doit couvrir 4 mois de production pour le fumier et 5 mois pour le lisier. En zone B (est), ces durées passent respectivement à 5 et 6 mois. Les élevages porcins doivent disposer de 7 mois de stockage en zones vulnérables nitrates.

Types d'installations requises

Les fumières doivent être construites sur une dalle étanche avec récupération des jus. Les fosses à lisier nécessitent une étanchéité totale et une capacité calculée selon le nombre d'animaux. Le coût moyen d'une fumière de 200 m² s'élève à 25 000 € HT, celui d'une fosse à lisier de 500 m³ atteint 45 000 € HT.

Distances réglementaires

  • 35 mètres des puits et forages
  • 50 mètres des sources et cours d'eau
  • 100 mètres des habitations pour les nouvelles installations classées

Spécificités en zones vulnérables

Dans les zones vulnérables aux nitrates, les ouvrages de stockage doivent être étanches et dimensionnés pour éviter tout débordement. Une couverture des fosses à lisier peut être exigée pour limiter les émissions d'ammoniac. Les fumières doivent comporter 3 murs et une pente de 2% minimum vers le point de collecte des jus.

Normes applicables selon le régime

Les installations classées (ICPE) au-delà de certains seuils doivent respecter des prescriptions techniques détaillées. Les plus petits élevages relèvent du Règlement Sanitaire Départemental (RSD) avec des exigences adaptées. Un contrôle périodique des ouvrages de stockage est obligatoire tous les 10 ans.

Valorisation agronomique et épandage

Valorisation agronomique et épandage
La valorisation agronomique des déjections animales par épandage constitue un levier majeur pour réduire l'utilisation d'engrais minéraux tout en respectant l'environnement. Cette pratique nécessite de maîtriser les périodes d'application, les doses et les techniques d'épandage selon la réglementation en vigueur.

Périodes et conditions d'épandage réglementaires

Le Programme d'Action National nitrates fixe les périodes d'interdiction d'épandage selon le type d'effluent et la culture. Pour les fumiers compacts, l'épandage est interdit du 15 novembre au 15 janvier sur terres arables. Les lisiers ne peuvent être épandus du 1er novembre au 15 février sur prairies. Ces périodes sont modulées selon les zones géographiques.

Valeurs fertilisantes des effluents d'élevage

Type d'effluent N (kg/t) P2O5 (kg/t) K2O (kg/t)
Fumier bovin 5,5 2,5 6,0
Lisier porc 3,5 2,3 2,7
Fientes volailles 15,0 12,0 10,0

Doses maximales d'apport par culture

Les doses d'azote total à ne pas dépasser sont de :
  • 170 kg N/ha/an en zone vulnérable
  • 210 kg N/ha pour le maïs
  • 250 kg N/ha pour les prairies

Distances d'épandage réglementaires

L'épandage doit respecter des distances minimales :
  • 35 m des cours d'eau
  • 50 m des points de captage d'eau
  • 100 m des habitations pour les lisiers

Matériels et techniques d'épandage adaptés

Pour limiter les pertes d'azote par volatilisation, il faut privilégier :
  • Les pendillards et enfouisseurs pour les lisiers
  • L'enfouissement rapide après épandage (moins de 12h)
  • Les épandeurs à table d'épandage pour les fumiers

Gestion raisonnée de la fertilisation

Un plan de fertilisation prévisionnel permet d'ajuster les apports aux besoins des cultures. Des analyses de sol régulières et l'utilisation d'outils de pilotage (reliquats sortie hiver) optimisent la valorisation agronomique des effluents tout en respectant la directive nitrates.

Innovations et traitements alternatifs

Face aux défis environnementaux et réglementaires, les techniques de traitement des déjections animales évoluent rapidement en France. La méthanisation et d'autres procédés innovants permettent de transformer ces matières organiques en ressources valorisables tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

La méthanisation agricole en plein essor

La méthanisation connaît un développement soutenu dans les élevages français, avec 1 250 unités en fonctionnement fin 2023. Ce procédé permet de produire du biogaz et un digestat utilisable comme fertilisant. Les installations collectives regroupant plusieurs élevages représentent 35% des projets. Le potentiel méthanogène varie selon les effluents :
Type d'effluent Production de biogaz (m3/tonne)
Lisier porcin 15-25
Fumier bovin 40-55
Fientes de volailles 70-90

Compostage et séparation de phase

Le compostage permet d'hygiéniser et de stabiliser les effluents solides. La séparation de phase du lisier produit une fraction solide compostable et une fraction liquide plus facile à épandre. Ces techniques réduisent les volumes à gérer de 30 à 40%.

Aides financières disponibles

L'ADEME et les Régions proposent des subventions couvrant jusqu'à 30% des investissements pour les unités de méthanisation et 40% pour les plateformes de compostage. Le Fonds Chaleur soutient la valorisation énergétique du biogaz.

Réduction des émissions de GES

Ces traitements permettent de réduire les émissions de méthane et protoxyde d'azote. La méthanisation évite l'émission de 1,5 tonne équivalent CO2 par tonne de déchets traités. Le compostage diminue les émissions d'ammoniac de 50% par rapport au stockage classique des effluents d'élevages.
"La méthanisation nous a permis de réduire notre facture énergétique de 70% tout en valorisant nos effluents" témoigne un éleveur laitier de l'Ouest

L'essentiel à retenir sur la gestion des déjections animales

Le traitement des déjections animales évolue avec des technologies comme la méthanisation ou le compostage. Ces méthodes permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en produisant des fertilisants de qualité. La mise en place de nouvelles installations de stockage et les innovations technologiques vont continuer à transformer la gestion des effluents d'élevage.

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