Comment lutter efficacement contre l’érosion des sols en agriculture ?

L'érosion des sols agricoles touche 1,9 milliard d'hectares dans le monde et peut entraîner des baisses de rendement allant jusqu'à 50%. Pour lutter contre ce phénomène, plusieurs techniques agronomiques et aménagements permettent de protéger les sols tout en respectant la réglementation en vigueur.
A retenirLes bandes enherbées permettent de réduire le ruissellement de 30% selon les données techniques du BRGM, constituant une mesure efficace pour limiter l'érosion des sols agricoles.

Comprendre les mécanismes de l'érosion des sols

Comprendre les mécanismes de l'érosion des sols
L'érosion des sols constitue un phénomène majeur de dégradation qui affecte 1,9 milliard d'hectares dans le monde. En France, les régions de grandes cultures sont particulièrement touchées par ce processus qui entraîne le départ de terre sous l'action de l'eau et du vent.

Les mécanismes de l'érosion hydrique

L'érosion hydrique résulte de l'action combinée des précipitations et du ruissellement sur la surface du sol. Les gouttes de pluie, en frappant le sol, désagrègent les particules de terre. Ce phénomène, appelé battance, forme une croûte superficielle qui réduit l'infiltration de l'eau. Le ruissellement qui en découle emporte les particules fines, creuse des rigoles puis des ravines.

La formation des croûtes de battance

La battance se manifeste par la formation d'une croûte en surface qui peut réduire l'infiltration de 80%. Les sols limoneux y sont particulièrement sensibles. Cette croûte se forme en plusieurs étapes : désagrégation des mottes, réorganisation des particules, puis compaction sous l'effet des pluies.

Les zones sensibles en France

Les régions les plus touchées sont :
  • Le Pays de Caux en Normandie
  • Les collines limoneuses du Nord-Pas-de-Calais
  • Le Lauragais dans le Sud-Ouest
  • Les vignobles en coteaux

Conséquences agronomiques et environnementales

L'érosion entraîne une perte de fertilité des sols agricoles, avec des baisses de rendement pouvant atteindre 50% selon la FAO. La terre érodée colmate les cours d'eau, dégrade leur qualité et augmente les risques d'inondation. En France, les pertes annuelles moyennes sont estimées entre 5 et 10 tonnes de terre par hectare sur les parcelles sensibles.
Type de sol Perte moyenne (t/ha/an)
Limons battants 8-12
Sols argileux 2-5
Sols sableux 1-3

Les pratiques culturales préventives

Les pratiques culturales préventives
Les techniques culturales préventives constituent un ensemble de pratiques agronomiques permettant de réduire l'érosion des sols en agriculture. Ces méthodes visent à préserver la structure du sol et à limiter le ruissellement, tout en maintenant des niveaux de production satisfaisants.

Le travail du sol simplifié

La simplification du travail du sol, notamment par le non-labour, présente des résultats probants dans la lutte contre l'érosion. Les mesures effectuées par l'INRA montrent une réduction de 50% des pertes en terre sur les parcelles en techniques culturales simplifiées par rapport au labour conventionnel. Le semis direct sous couvert végétal permet de conserver une protection permanente du sol contre l'effet splash des gouttes de pluie.

La gestion des résidus de cultures

Le paillage avec les résidus de cultures constitue une protection efficace. Les études démontrent que le maintien de 30% de résidus en surface réduit l'érosion de 70%. Le non-déchaumage après récolte laisse un mulch protecteur qui ralentit le ruissellement et favorise l'infiltration.

Les rotations et l'assolement

L'alternance des cultures sur une même parcelle renforce la résistance du sol grâce à la diversité des systèmes racinaires. Une rotation incluant des légumineuses et des céréales d'hiver réduit de 25% les risques d'érosion par rapport à une monoculture de maïs. La concertation entre agriculteurs permet d'éviter que des versants entiers soient occupés uniquement par des cultures de printemps sensibles.

Les amendements organiques et calciques

L'apport régulier de matière organique (fumier, compost) et d'amendements calcaires améliore la stabilité structurale des sols. Les mesures réalisées indiquent qu'un taux de matière organique supérieur à 2% divise par 3 la sensibilité à la battance. Les amendements calcaires, à raison de 1 à 2 tonnes/ha/an, renforcent la cohésion des agrégats et limitent leur désagrégation sous l'effet des pluies.
Technique Réduction de l'érosion
Non-labour 50%
Paillage 30% 70%
Rotation diversifiée 25%

Les aménagements hydrauliques et paysagers

Les aménagements hydrauliques et paysagers constituent un complément indispensable aux pratiques culturales pour gérer les écoulements à l'échelle du bassin versant. La mise en place d'infrastructures adaptées permet de ralentir et de filtrer les eaux de ruissellement avant qu'elles n'atteignent les zones sensibles.

Les différents types d'aménagements

Les haies et talus implantés perpendiculairement à la pente créent des obstacles naturels qui fractionnent les écoulements. Selon les recommandations du BRGM, leur espacement doit être adapté à la déclivité : 50-75 m pour des pentes de 2-5%, 25-50 m au-delà. Les bandes enherbées, d'une largeur minimale de 5 m, réduisent le ruissellement de 30% en moyenne et retiennent jusqu'à 80% des sédiments. Les fossés à redents permettent de stocker temporairement l'eau et de favoriser son infiltration.

Le dimensionnement des ouvrages

La conception des aménagements dépend des caractéristiques du bassin versant :
  • Surface drainée en amont
  • Pente moyenne du terrain
  • Nature des sols et occupation des parcelles
  • Intensité des précipitations de référence

Capacités de stockage recommandées

Surface du bassin versant Volume de rétention minimal
< 20 ha 100 m³/ha
20-50 ha 75 m³/ha
> 50 ha 50 m³/ha

La gestion des écoulements

Les aménagements doivent être positionnés de manière cohérente à l'échelle du bassin versant, en tenant compte des zones d'accumulation et des axes préférentiels d'écoulement. Les ouvrages sont disposés en cascade pour fractionner les volumes et répartir la charge hydraulique. Un entretien régulier (curage des fossés, fauche des bandes enherbées) garantit leur bon fonctionnement dans la durée. Les zones tampons humides artificielles constituent des aménagements complémentaires efficaces. Dimensionnées pour stocker 100 à 250 m³/ha de bassin versant selon la pluviométrie locale, elles permettent la sédimentation des particules et la dégradation des polluants avant restitution au milieu naturel.

La gestion collective et réglementaire

La gestion collective et réglementaire
La dégradation des sols agricoles en France nécessite une gestion concertée entre les différents acteurs du territoire. Les dispositifs réglementaires et les aides financières permettent d'accompagner les exploitants dans la mise en place d'actions préventives et curatives.

Cadre réglementaire et aides disponibles

La politique agricole commune (PAC) impose depuis 2015 le maintien des prairies permanentes et la couverture hivernale des sols dans les zones vulnérables. Les agriculteurs doivent conserver une surface d'intérêt écologique représentant au moins 5% de la surface en terres arables. Les chambres d'agriculture accompagnent les exploitants pour répondre à ces obligations réglementaires. Le Plan Biodiversité, à travers son action 48, prévoit le renforcement des mesures de protection des sols agricoles. Des aides financières sont mobilisables via les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) pour soutenir les pratiques favorables à la conservation des sols.

Concertation à l'échelle du bassin versant

La gestion collective du risque érosif nécessite une coordination entre agriculteurs à l'échelle du bassin versant. Cette organisation permet notamment :
  • La planification concertée des assolements pour éviter la concentration de cultures sensibles
  • La mise en place cohérente d'aménagements anti-érosifs
  • Le partage d'expériences sur les techniques culturales préventives

Organismes ressources et accompagnement technique

Les chambres d'agriculture et l'AREAS (Association régionale pour l'étude et l'amélioration des sols) proposent un appui technique aux agriculteurs. Leurs missions comprennent le diagnostic des risques, la préconisation de solutions adaptées et le suivi des aménagements. Les directions départementales des territoires (DDT) interviennent également dans l'instruction des dossiers d'aménagement rural.
Type d'aide Organisme Montant
MAEC Sol État/Europe Jusqu'à 900€/ha/an
Investissements matériels Région 40% des dépenses éligibles
Diagnostic érosion Chambre agriculture Variable selon département

L'essentiel sur la lutte contre l'érosion des sols agricoles

Les progrès techniques et agronomiques offrent des possibilités toujours plus performantes pour protéger les sols. Les aides de la PAC et le Plan Biodiversité encouragent les agriculteurs à adopter ces méthodes. La mise en place d'actions collectives au niveau des bassins versants et le développement de nouvelles technologies permettront d'améliorer encore la protection des terres agricoles.

Plan du site